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La photo de spectacle

Quelques conseils pour bien débuter

Préambule : je n’aborde ici que les notions techniques de base pour aider les débutants à mieux réussir leurs photos de spectacles. Tout ce qui est du domaine du droit, accréditation… est une autre histoire !

La photographie de concert est une discipline qui demande une bonne connaissance technique et un minimum d’expérience. Globalement, le principal problème que l’on rencontre est le manque de lumière et sa répartition très sélective. Cela se traduit généralement par des vitesses d’exposition trop basses (donc du flou) et des photos mal exposées (trop sombres ou comportant des zones brulées).

Quel matériel utiliser ?

Comme toujours lorsqu’il s’agit de photographier là où la lumière manque, on privilégie deux choses :

- Les optiques lumineuses comme les zooms ouverts à f/2.8 et les optiques fixes ouvertes à f/1.8 ou f/1.4
- Les boitiers qui permettent de monter en sensibilité. Aujourd’hui, tous les reflex permettent de photographier à 1600 iso avec une bonne qualité d’image. Certains boitiers récents montent sans problème à 3200 ou 6400 iso voire au-delà.

On pourrait penser aux trépieds, monopodes… mais ils sont rarement utilisables dans les salles de spectacle.
Certaines focales fixes à f/1.8 sont très abordables et posséder un 50mm ou un 35mm de ce genre est une bonne idée pour la photo de concert.
Avec les focales longues, la stabilisation est également un atout non négligeable.

Si vous ne disposez d’aucune optique lumineuse, inutile de vous le cacher, ça va être plus compliqué. Néanmoins, on peut y arriver si le concert est très bien éclairé. Dans ce cas, vous pouvez privilégier les plans larges car c’est là que votre optique sera la plus ouverte. Vous pouvez aussi jouer avec les éclairages de manière à exposer les artistes comme des ombres chinoises, si les éclairages sont beaux, cela donne de très bonnes photos. En revanche, faire un gros plan bien exposé et bien net du chanteur va être difficile !

Il est difficile de dire quelles focales utiliser car il y a toutes sortes de concerts et, suivant les situations, on peut se retrouver trop long avec un 50mm ou trop court avec un 200 ! A vous d’évaluer les besoins en fonction de la salle et de votre placement. Pensez bien aussi qu’une salle de concert n’est pas normalement un lieu dans lequel on photographie. Il vous faudra donc une accréditation pour certaines salles (spectacles pros). Dans d’autres petits lieux (bars, clubs de jazz…), le simple accord des artistes sera suffisant, surtout si vous savez vous montrer respectueux des artistes et du public. Un bon photographe de concert passe inaperçu.

Bien mesurer la lumière

C’est la première condition pour réussir ses photos de concert. Sur une scène de concert, la lumière est généralement répartie de manière très sélective, les artistes étant souvent bien éclairés alors que l’arrière-plan et les zones inoccupées de la scène sont plongés dans le noir. Ce sont des conditions que l’on rencontre rarement dans la vie courante et qui demandent donc une attention particulière dans la mesure de lumière.

Si on laisse faire la mesure de lumière matricielle (évaluative) qui prend en compte tout le cadre, celle-ci se fait piéger par les grandes zones sombres. La photo est alors surexposée et les visages éclairés des artistes apparaissent brulés. Une conséquence collatérale est que, pour obtenir cette exposition trop claire, le boitier utilise un temps de pose inutilement long, ce qui cause le flou.

Une bonne solution consiste à utiliser la mesure spot et à faire la mesure sur le visage bien éclairé d’un artiste. Pour cela, on peut utiliser le collimateur de mise au point sur le visage, cela permettra de faire à la fois la mise au point et la mesure de lumière. On peut aussi utiliser le collimateur central, mesurer la lumière puis recadrer ; mais alors il faut veiller à activer la fonction qui permet au déclencheur de mémoriser l’exposition (c’est généralement la configuration par défaut des reflex).

Pour les plus avancés, vous pouvez découpler cette fonction mise au point de la mesure de lumière en utilisant par exemple le mode M. Vous pouvez ainsi faire une mesure spot sur le point qui vous intéresse (pas forcément le visage sur lequel vous allez ensuite faire la mise au point), cette mesure restera mémorisée et vous pourrez faire la MAP où vous le souhaitez. En mode A, vous pouvez aussi mémoriser une mesure d’exposition avec le bouton AE-L.

La plupart du temps, j’utilise le mode A avec l’optique grande ouverte ou presque (f/2.8). Si j’utilise une optique fixe ultra lumineuse, j’ouvre en grand seulement si c’est absolument nécessaire sinon la profondeur de champ sera très faible (surtout sur les gros plans).

Il est primordial de veiller à bien exposer et surtout à ne pas sous-exposer. Une sous-exposition entrainerait une montée dramatique du bruit en post-traitement. Donc surveillez l’histogramme de temps en temps et corrigez l’exposition si besoin. Certains boitiers permettent de visualiser les zones brulées d’une photo (en les faisant clignoter) : très pratique pour vérifier que les visages des artistes ne sont pas brulés. Cependant, l’apparition de quelques zones brulées est inévitable si vous avez des éclairages dans le cadre, il ne faut pas s’en inquiéter tant que cela n'affecte pas une zone importante de la photo.

Choisir la sensibilité

Les boitiers actuels proposent généralement une option « iso auto » qui est intéressante dans ce genre de situation. Pour régler ce mode, il faut choisir un réglage maximum donc choisissez la sensibilité maximum qui ne dégrade pas trop la qualité de vos photos. Ce réglage dépend de chaque boitier, certains commençant à bruiter vers 1600 iso, d’autres permettant de monter à 12800 iso sans craindre de gros dégâts.

Une fois choisie cette limite, il faut indiquer à votre boitier une vitesse-plancher. Choisissez cette vitesse de sécurité en fonction de votre optique et de votre boitier mais aussi en fonction du mouvement sur scène. Si les artistes ne sont pas trop remuants, 1/125s me semble un bon choix, sauf si vous utilisez de longues focales non-stabilisées. Dans ce cas, montez à 1/200 ou 1/300s mais ça va commencer à devenir dur de trouver assez de lumière dans ce cas…
Ensuite, votre boitier choisira lui-même la sensibilité iso pour obtenir au moins la vitesse-plancher spécifiée. Sauf en cas d’impossibilité pour lui de trouver suffisamment de lumière.

Rien ne vous empêche de fixer vous-même la sensibilité iso mais les éclairages étant très variables, c’est parfois délicat et on se retrouve parfois à photographier avec un réglage iso inutilement élevé qu’on a choisi par précaution

Quel mode autofocus ?

Dans la plupart des cas, j’utilise le mode AFS qui est plus précis. Je choisis un collimateur excentré en fonction du cadrage que je souhaite et je vise mon sujet avec ce collimateur.

Mais si les sujets sont très remuants (moi j’aime pas le rock, mais c’est vous qui voyez !) il peut être utile de passer en AFC. Dans ce cas, il faut prendre garde à maintenir le sujet dans le collimateur de mise au point. Ce mode est moins précis et on rate quelques photos mais si le sujet bouge beaucoup, c’est le seul qui soit opérationnel. C’est aussi indispensable pour les spectacles de danse, sans quoi on est plus ou moins limité à photographier des moments statiques.

La mise au point est parfois délicate lorsque la lumière manque. Il faut trouver un point contrasté pour faire la mise au point : un œil, la bouche, la limite entre le front et la chevelure, tout ce qui apporte un contraste de tonalité.

Les plus avancés pourront aller fouiller du côté des modes de zone AF pour choisir un mode dynamique à plusieurs points (sans exagérer le nombre de points pour ne pas trop ralentir la machine). Cela permet de mieux suivre des sujets très remuants.

Utilisez le format raw

Les éclairages de scène sont très variables et donnent parfois du fil à retordre à la balance des blancs de nos appareils photos. Il faut donc se laisser la possibilité de retoucher cela et seul le format raw permet de le faire vraiment bien. Et si ces éclairages sont vraiment catastrophiques, il vous reste le noir et blanc.

La mesure de lumière étant délicate, le format raw permet de corriger l’exposition si besoin.

Il permet aussi de bien mieux traiter le bruit numérique si celui-ci est présent (à cause de la sensibilité élevée).

Quelques conseils

En fonction des salles, du type de concert, de l’autorisation que vous avez obtenue de photographier… les choix sont plus ou moins nombreux et il faut adapter la « stratégie ».

Quelques idées en vrac :
- Ne vous placez pas face à un chanteur, vous passeriez la soirée à photographier son pied de micro.
- Réfléchissez à la posture qu’aura un musicien en fonction de son instrument, vous pourrez en déduire de quel côté il sera le plus intéressant à photographier. Si un violoniste est sur votre gauche, vous ne verrez que le manche et le dessous de son violon…

- Si vous n’avez pas accès à l’avant-scène et que vous photographiez depuis les gradins, évitez le premier rang, cela donnera souvent des photos à contre-plongée qui ne sont pas les meilleures. Un point de vue légèrement surélevé par rapport à la scène me semble préférable.

Faites attention de proscrire tout ce qui pourrait causer une gêne pour les spectateurs (et les artistes).
- Si votre appareil propose un mode « Quiet », utilisez-le.
- Ce n’est pas le moment pour utiliser le mode rafale très bruyant.
- Le meilleur moyen de se faire repérer (et virer) est de déclencher son flash. Donc commencez par vérifier que vous n’êtes pas en mode vert « tout auto » ou autre « mode-scène » parfaitement inutile dans ce genre de situation. De toute manière, le flash ne sert à rien si ce n’est pourrir la photo (sauf si vous savez parfaitement vous en servir, mais c’est une autre histoire…)

Une fois les choix techniques établis, il faut s'intéresser au contenu ! Les éclairages, les artistes, les tenues de scène... tout cela donne un ensemble photogénique mais au final, si la seule chose à retenir de vos photos est l'aspect informatif et/ou esthétique, le reportage risque d'être ennuyeux et sans grand intérêt. Il faut alors s'attacher à capturer les moments intéressants. Gardez l'oeil dans le viseur le plus longtemps possible car s'est toujours lorsqu'on le quitte des yeux qu'il se passe quelque chose d'intéressant (un regard, un sourire, une attitude particulière...). Il faut donc être dans la scène au maximum pour mettre toutes les chances de son côté. Généralement, lorsque je sors d'un concert que je suis venu photographier, je n'ai qu'une idée assez vague de la musique que j'ai entendue ; difficile de se concentrer sur deux choses à la fois.

Pensez à varier les cadrages pour capturer des portraits serrés individuels, des duos-trios, des plans généraux du groupe.

Ces conseils peuvent tout aussi bien s'appliquer à différents types de spectacles, même si jusqu'alors, je ne vous ai présenté que des photos de concert. Pour la danse, il faut être spécialement vigilants sur la vitesse car si de nombreux concerts ne posent pas de problèmes particuliers, hors groupes très remuants, la danse est évidemment basée sur le mouvement et il ne faut pas hésiter à augmenter la vitesse. Même si, en tant qu'effet, on peut aussi tenter des vitesses lentes qui donneront d'agréables flous artistiques.

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Didier ROPERS